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sur mes lèvres, alors elle a baissé la tête. Je ne crois pas avoir
tout à fait fermé la porte& Tenez-moi plus fort, Eugène, je suis
lasse& C est étrange, vous savez ! Autrefois, il y a longtemps,
avant que je vous eusse jamais vu, je ne me reposais jamais et je
n étais jamais fatiguée. » Son murmure s interrompit tout à
coup et elle leva le doigt pour lui recommander le silence. Elle
prêta l oreille, Réal aussi, il ne savait pas à quoi ; et cette sou-
daine concentration sur un seul point lui donna l impression
que tout ce qui était arrivé depuis son entrée dans la chambre
n était qu un rêve par son improbabilité et par cette force surna-
turelle que les rêves puisent dans leur inconséquence. Et même
la femme qui se laissait aller contre son bras semblait n avoir
pas plus de poids que ce n eût été le cas dans un rêve.
« Elle est là », murmura soudain Arlette, en se levant sur la
pointe des pieds pour se hausser jusqu à son oreille. « Elle a dû
vous entendre passer.
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 Où est-elle ? » demanda Réal du même ton de profond
mystère.
« De l autre côté de la porte. Elle a dû écouter le murmure
de nos voix& » lui susurra Arlette dans l oreille, comme si elle
lui rapportait quelque chose d extraordinaire. « Elle m a dit une
fois que j étais de celles qui ne sont pas faites pour les bras d un
homme quel qu il soit. »
À ces mots, il lui passa son autre bras autour de la taille, et
regarda ses yeux que l effroi semblait agrandir, tandis qu elle se
serrait contre lui de toutes ses forces : et ils demeurèrent ainsi
longtemps étroitement enlacés, lèvres contre lèvres, sans s em-
brasser et le souffle coupé par l étroitesse de leur contact. Il
semblait à Réal que le silence s étendait jusqu aux limites de
l univers. « Vais-je donc mourir ? » Cette pensée traversa le si-
lence et s y perdit comme une étincelle volant dans une nuit
éternelle. Le seul effet de cette pensée fut qu il resserra son
étreinte sur Arlette.
On entendit une voix âgée et hésitante prononcer le mot
« Arlette ». Catherine, qui avait écouté leurs murmures, n avait
pu supporter ce long silence. Ils entendirent sa voix tremblante
aussi distinctement que si elle eût été dans la pièce. Réal eut
l impression qu elle lui avait sauvé la vie. Ils se séparèrent silen-
cieusement.
« Va-t en, cria Arlette.
 Arl&
 Tais-toi », cria-t-elle plus fort. « Tu n y peux rien.
 Arlette », cria à travers la porte la voix frémissante et im-
périeuse.
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« Elle va réveiller Scevola », fit Arlette à Réal sur un ton
posé. Et ils attendirent tous les deux des bruits qui ne vinrent
pas. Arlette montra du doigt le mur. « Il est là, vous savez.
 Il dort », murmura Réal. Mais la pensée « je suis perdu »
qu il formulait dans son esprit ne se rapportait pas à Scevola.
« Il a peur », dit Arlette à mi-voix et avec une intonation
méprisante. « Mais cela ne veut rien dire. Un moment il tremble
de terreur et le moment d après il est capable de courir commet-
tre un assassinat. »
Lentement, comme attirés par l irrésistible autorité de la
vieille femme, ils s étaient rapprochés de la porte. Réal, dans la
soudaine illumination de la passion, pensa : « Si elle ne s en va
pas maintenant, je n aurai pas la force de me séparer d elle de-
main matin. » Il n avait pas devant les yeux l image de la mort,
mais celle d une longue et intolérable séparation. Un soupir qui
avait presque l accent d un gémissement leur parvint à travers la
porte et l atmosphère autour d eux se chargea d une tristesse
contre laquelle les clés et les serrures ne pouvaient rien.
« Vous feriez mieux d aller la rejoindre », murmura-t-il
d un ton pénétrant.
« Bien sûr, je vais y aller », dit Arlette, un peu émue. « La
pauvre vieille ! Chacune de nous n a que l autre au monde, mais
je suis la fille des maîtres, ici ; elle doit faire ce que je lui dis. »
Tout en gardant l une de ses mains sur l épaule de Réal, elle col-
la sa bouche contre la porte et dit distinctement :
« Je viens tout de suite. Retourne à ta chambre et attends-
moi », comme si elle ne doutait pas d être obéie.
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Un profond silence s ensuivit. Peut-être Catherine était-elle
déjà partie. Réal et Arlette restèrent immobiles un moment
comme s ils avaient été l un et l autre changés en pierre.
« Allez maintenant », fit Réal d une voix rauque, à peine
distincte.
Elle lui donna un rapide baiser sur les lèvres et de nouveau
ils restèrent comme des amants enchantés, immobilisés par un
sortilège.
« Si elle reste, pensait Réal, je n aurai jamais le courage de
m arracher, et je serai obligé de me faire sauter la cervelle. »
Mais quand enfin elle fit un mouvement, il se saisit d elle à nou-
veau et la tint comme si elle avait été sa vie même. Quand il la
laissa aller, il fut épouvanté d entendre un très léger rire, témoi-
gnage d une secrète joie chez Arlette.
« Pourquoi riez-vous ? » demanda-t-il d un ton effrayé.
Elle s arrêta et le regardant par-dessus son épaule lui ré-
pondit :
« Je riais en pensant à tous les jours à venir. Des jours, des
jours, et des jours. Y avez-vous pensé ?
 Oui », bégaya Réal comme un homme frappé au cSur, et
en tenant la porte entrouverte. Il fut heureux de pouvoir se re-
tenir à quelque chose.
Elle sortit dans le doux bruissement de sa jupe de soie,
mais avant qu il eût eu le temps de refermer la porte derrière
elle, elle étendit le bras un instant. Il eut juste le temps de pres-
ser de ses lèvres la paume de cette main. Elle était froide. Elle la
retira brusquement et il eut la force d âme de fermer la porte
derrière elle. Il se sentait comme un homme mourant de soif,
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enchaîné à un mur, à qui on arracherait un breuvage frais. La
pièce était tout à coup devenue obscure. « Un nuage passe sur la
lune, pensa-t-il, un nuage, un énorme nuage », et il s avança
d un pas rigide vers la fenêtre, mal assuré et oscillant comme s il
marchait sur une corde raide. Au bout d un moment il aperçut
la lune dans un ciel où il n y avait pas la moindre trace de nuage.
« Je suppose, se dit-il, que j ai bien failli mourir à l instant. Mais
non », continua-t-il à penser avec une cruauté délibérée, « mais
non, je ne mourrai pas. Je vais seulement souffrir, souffrir, souf-
frir& ».
« Souffrir, souffrir. » Ce ne fut qu en butant contre le côté
du lit qu il s aperçut qu il s était éloigné de la fenêtre. Aussitôt il
s y jeta violemment, enfonçant la tête dans l oreiller qu il mordit
pour étouffer le cri de détresse qui allait lui jaillir des lèvres. Les
natures formées à l insensibilité, une fois débordées par une
passion maîtresse, sont comme des géants vaincus tout prêts à
désespérer. Ainsi donc lui, officier en service commandé, il re-
culait devant la mort, et ce doute entraînait avec lui tous les
doutes possibles sur son propre courage. Tout ce qu il savait,
c était qu il serait parti le lendemain matin. Il frissonna de tout
son corps étendu, puis resta immobile, étreignant les draps à
pleines mains pour résister à l envie de bondir sur ses pieds, en
proie à une agitation affolante. « Il faut que je m étende », se
disait-il pour se faire la leçon106, « et que je me repose pour [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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